J'étais un frère de beaucoup de frères et de sœurs. Notre père et notre mère étaient bons. J'étais attaché à tous par un profond amour.
Un jour le père nous conduisit à un joyeux banquet. Les frères étaient très gais. Mais j'étais triste. Alors notre père vint à moi et me pria de manger ces mets délicieux. Mais je ne pouvais pas ; là-dessus mon père, en courroux contre moi, me chassa de sa vue.
Je portai mes pas ailleurs et, le cœur débordant d'un amour infini pour ceux qui en faisaient fi, j'errai dans une contrée lointaine. Pendant des années, je me sentis partagé entre la plus grande douleur et le plus grand amour.
Franz Schubert
Début de la lettre du 3 juillet 1822 à son frère Ferdinand.
Traduction Brigitte Massin.
Cette lettre me touche beaucoup en ce qu'elle nous montre en quelques mots très simples toute la psychologie de Franz Schubert : la solitude, l'errance, le "Wanderer" (le voyageur), l'amour non partagé, l'idéalisation de la femme aimée, la mort comprise comme un repos.
J'ai donc conçu cette pièce comme une hommage à Schubert, qui est l'un de mes compositeurs préférés. J'ai utilisé dans mon matériau certaines notes de la mélodie du "Pâtre sur le rocher", ainsi que certains de ses accords, multipliés sur eux-mêmes.
Cette œuvre est aussi un hommage à la pièce pour orchestre "Stille und Umkehr" de Bernd Alois Zimmermann (1918-1970), où l'on entend, du début à la fin, un ré, obstiné et fascinant. J'ai repris cette idée. Cette note ré , la tonalité de ré mineur a, en effet,une connotation tragique dans l'histoire de la musique (c'est par exemple la tonalité du "Requiem" de Mozart) et en particulier dans l'œuvre de Schubert (je pense au quatuor "La jeune fille et la mort).
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Franz Schubert (1797-1828)
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